Marché français

Mise à jour 01/2022

Dans certaines circonstances, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié par l’administration fiscale en donation indirecte et notamment lorsque des versements importants interviennent dans les mois précédant le décès du souscripteur/assuré. Illustration d’une jurisprudence récente de la Cour d’Appel de Versailles du 12-10-2021 n° 20/03376.

Rappel des faits

Une femme souscrit en 1989, à l’âge de 76 ans, un contrat d’assurance-vie sur lequel elle procède à un versement de prime initiale d’un montant de 6 000 francs, soit 914 euros.

A l’âge de 94 ans, soit en 2007, la souscriptrice désigne comme bénéficiaire du contrat un couple avec lequel elle n’a pas de lien de parenté. L’un des deux époux bénéficiaires est également la curatrice de la souscriptrice depuis 2005.

En 2014 et 2015, à l’âge de 101 ans, elle effectue deux versements complémentaires de 750 000 euros chacun, puis décède six mois plus tard.

Les parts revenant aux époux ont été soumises à l’article 990 I du code général des impôts (CGI), ils ont donc reçu 634.066 euros chacun.

Au vu des versements effectués quelques mois avant le décès de la souscriptrice, l’administration a entendu qualifier ce contrat d’assurance-vie en donation indirecte.

Après un jugement en leur défaveur du Tribunal de Grande Instance de Versailles, les époux interjettent appel devant la Cour d’appel dans le but d’annuler la requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte et prononcer la décharge des droits, intérêts et pénalités mis à leur charge.

Décision de la cour d’appel – Requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte

La donation est définie dans le code civil comme « un acte entre vifs par lequel le donateur se dépouille immédiatement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte. »

La requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte implique donc :

  • une intention libérale du souscripteur,
  • sa volonté de se dessaisir immédiatement et irrévocablement,
  • l’acceptation des bénéficiaires.

L’administration fiscale a estimé qu’il y avait bien une intention libérale du fait :

  • des liens privilégiés que la souscriptrice entretenait avec les bénéficiaires (qui habitaient près de chez elle, s’occupaient de la gestion de ses biens et Mme était la curatrice de la souscriptrice).
  • de l’importance des sommes versées au regard du patrimoine de la souscriptrice (1,5 million d’euros sur un patrimoine total d’environ 4 millions d’euros)
  • qu’aucun versement n’avait été effectué depuis 25 ans sur le contrat.

L’administration fiscale avait ensuite argumenté que la condition de dessaisissement immédiat et irrévocable dépend de l’existence d’un aléa sur le contrat d’assurance vie. Or, l’âge avancé de la souscriptrice au moment des versements (à 101 ans, elle ne pouvait ignorer la survenance prochaine de son décès) et l’importance des sommes versées.

La cour d’appel a confirmé la position de l’administration fiscale et la requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte. En conséquence, les sommes du contrat sont taxées aux droits de mutation à titre gratuit applicables entre non-parents à hauteur de 60%.

Le manquement délibéré des bénéficiaires

En revanche, la Cour d’appel a invalidé la majoration de 40 % pour manquement délibéré des bénéficiaires.

En effet, bien qu’il soit possible qu’en qualité de curateur d’un des époux bénéficiaires, les époux aient été informés du patrimoine de la souscriptrice, il n’est pas établi de manière certaine qu’ils aient eu connaissance de la clause bénéficiaire les désignant.

D’autre part, même s’ils avaient connaissance des avantages fiscaux de l’assurance vie, il ne peut leur être reproché de ne pas avoir relevé eux-mêmes que le contrat qui leur bénéficiait devait s’analyser comme une donation indirecte.

L’intention délibérée de se soustraire aux droit de mutation à titre gratuit n’étant pas démontrée, la Cour d’appel a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré, s’élevant à 132.626 euros chacun.

Réflexion de Vitis Life

A l’occasion d’une souscription ou d’un versement complémentaire, il est important de bien connaître son client et de disposer de certaines informations.

Le risque de requalification du contrat est identifiable au travers de faisceau d’indices qui sont notamment :

  • l’âge avancé au moment du versement du souscripteur,
  • l’importance des sommes versées par rapport à son patrimoine,
  • la non utilité économique du contrat pour le souscripteur,
  • l’état de santé du souscripteur.

Pour éviter une requalification du contrat, il est intéressant de s’interroger en amont sur le bienfondé de la souscription d’un contrat d’assurance-vie.

Une alternative existe en présence de ce faisceau d’indices : la souscription d’un contrat de capitalisation qui sera transmis aux héritiers du souscripteur. Au moment de cette transmission, la plus-value soumise aux droits de succession est purgée. Seules les nouvelles plus-values générées par les héritiers après l’acquisition du contrat seront soumises à imposition en cas de rachat.

 

 

 

 

 

Emilie Hermes 
Senior Legal & Tax Advisor